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Le chômage augmente considérablement les risques cardiovasculaires. Il entraîne chez les personnes sans emploi une énorme surmortalité. C’est un réel problème de santé publique, souligne Pierre Meneton, chercheur en biologie.
Basta! : On entend peu parler de la question de la santé des chômeurs en France, est-ce une impression que vous avez également ?
Ce n’est pas un sujet extrêmement répandu dans la communauté scientifique mondiale. Cela étant, en France, on a été particulièrement mal loti comparé, par exemple, aux pays anglo-saxons ou scandinaves, où quelques études ont été menées. En France, c’était un quasi-désert. Il n’y avait presque aucune donnée sur le sujet. (…) Comment explique-t-on ce risque plus élevé ?
Les problèmes cardiovasculaires associés au chômage peuvent être expliqués par l’augmentation des facteurs de risques cardiovasculaires traditionnels : un tabagisme plus important, une consommation d’alcool plus importante, une activité physique réduite et une alimentation globalement déséquilibrée par rapport aux non-chômeurs.
Ce sont les quatre facteurs de risques « classiques » qui accroissent la probabilité d’un accident cardiovasculaire. Cela peut donc être attribué à ces comportements à risque plus fréquents chez les chômeurs, chose que l’on observe en France comme d’autres pays voisins.
Vous dites « en partie », quels sont les autres facteurs de cette surmortalité des chômeurs ?
Nos données suggèrent que d’autres mécanismes interviennent également. Ils sont beaucoup moins bien connus, mais nous pouvons esquisser quelques pistes malgré tout. Les troubles du sommeil et la dépression sont ainsi plus fréquents chez les chômeurs. Et ce sont aussi des facteurs de risques cardiovasculaires.(…)
Comment agir sur ce problème ?
Pour la communauté médicale, qu’on parle du médecin généraliste ou des spécialistes, mis à part les médecins du travail et encore, la quasi-totalité ne font pas le lien entre position sociale, conditions de travail, chômage et santé. C’est une question qui n’est presque jamais posée aux patients qu’ils ont en face d’eux. C’est donc un paramètre qui n’est pas pris en compte pour la prise en charge médicale. De notre point de vue, quelque chose pourrait être fait, sans que ce soit une révolution.
Il y aura toujours autant de cancers et de maladies cardiovasculaires tant que les conditions de travail seront toujours autant dégradées, tant qu’il y aura un chômage important et qu’un grand nombre de gens demeureront dans une position sociale précaire. Pour le moment, ce n’est pas du tout une priorité de l’État d’améliorer les conditions de travail de la population. Au contraire.
Mon constat est donc plutôt pessimiste. La seule avancée, d’un point de vue réaliste, ce serait un suivi médical plus constant des personnes qui cumulent tous ces risques-là. Encore faudrait-il qu’il y ait une communication vis-à-vis des professionnels de santé, qu’ils soient sensibilisés au problème. Cela pourrait être porté par des associations et des syndicats.